vendredi 21 octobre 2011

Et si le vrai bonheur était là, dans les fluctuations du temps…

  
Castello d’Albertis, Genova.

Pourquoi? Pourquoi ce qui était beau nous parait-il rétrospectivement détérioré?  Parce que cela dissimulait de vilaines vérités? (...) Est-ce cela qui me rend triste? Ce zèle et cette foi qui m’habitaient alors et arrachaient à la vie une promesse qui ne put jamais être tenue? (...) Cette tristesse est-elle la tristesse tout court? Est-ce elle qui nous accable lorsque de beaux souvenirs, rétrospectivement, se détériorent, parce que le bonheur dont on se souvient ne tenait pas seulement à la situation, mais à une promesse qui n'a pas été tenue?

Bernhard Schlink, The Reader.

Non è l'amore che va via

mardi 14 juin 2011

Ovunque naufragati…

SS. dei Naufragati‬
e venne dall’acqua, e venne dal sale
la penitenza dalla mano del mare
il comandante avanza e niente si puó fare
vuole una morte, la vuole affrontare
e lí l’attandeva, dove il sole cala
cala e non muore, e l’acqua non lo lava
e il demone lo duole, sui banchi d’acqua
stregati di olio e petrolio
e il vento non alzava, e il mare imputridiva
legati a un solo raggio, tutti presi in ostaggio
avanzavamo lenti, senza ammutinamenti
e il comandante é pazzo, e avanza nel peccato
e il demone ch’é suo, adesso vuole mio
e brinda con il sangue all’odio ci convince,
che se é sua la barca che vince, dev’essere la mia
e gli occhi non videro, non videro la luce
non videro la messe, che altri non l’avesse
e il cielo fece nero, e urló la nube al cielo
e s’affamó d’abisso, che tutti ci prendesse
Matri mia, salvezza prendimi nell’anima
Matri mia, le ossa nell’acqua
anime bianche, anime salvate
anime venite, anime addolorate
che io abbia due soldi, due soldi sopra gli occhi
due soldi per l’onore, due monete in pegno
per pagare il legno, la dura voga del traghettatore
e vieni occhi di fluoro, vieni al tuo lavoro
vieni spettro del tesoro
la vela tende, il vento se la prende
la vela cade, le remi allontanate
e accese sui pennoni
i fuochi fatui, i fuochi alati
della Santissima dei naufragati
Matri mia, salvezza prendimi nell’anima
il tempo stremava, l’arsura ci cuoceva
parlavamo alle vare e il silenzio dal mare
e il legno cedeva all’acqua suo pianto
la vela cadde, la sete ci asciugó
acqua, acqua, acqua in ogni dove
e nemmeno una goccia, nemmeno una goccia da bere
e gli uomini spegnevano, spegnevano il respiro
spegnevano la voce, nel nome dell’odio
che tutti ci appagó, il cielo rigó di sbarre il suo portale
il volto di fuoco, dentro imprigionó
lo spettro vedemmo venire di lontano
venire per ghermire, nero di dannazione
vita e morte, vita e morte era il suo nome
Matri mia, salvezza prendimi nell’anima
Matri mia, salvezza prendimi
questa é la ballata di chi si é preso il mare
che lapide non abbia, ne ossa sulla sabbia
né polvere ritorni, ma bruci sui pennoni
nei fuochi sacri, nei fuochi alati
della Santissima dei naufragati
O Santissima dei naufragati vieni a noi che siamo andati
senza lacrime senza gloria, vieni a noi, perdon, pietá.
Vinicio Capossela

lundi 13 juin 2011

La chair est triste, hélas !

Brise Marine

La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux!
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai! Steamer balançant ta mâture,
Lève l'ancre pour une exotique nature!
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs!
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots!

Stéphane Mallarmé

vendredi 3 juin 2011

Allégorie

 L’oreille d'Arcimboldo (détail)

Cœur de bœuf ou cœur de cochon, en sauce ou vinaigrette, farcie bourrée déshabillée, à fleur de peau épépinée sucée léchée, aspirée, comme le fruit mûr dégorge tous ses jus, tu germes au printemps de mon jardin. Pour une saison, je suis ce que je mange.

dimanche 29 mai 2011

Kitsch mamma

Madeleine en médaillon.

Ma chère maman,
Je ne te dirai pas bonne fête aujourd'hui, tu sais que j'ai toujours eu en horreur cette convenance discutable. Mioche, bien sûr, je t'inondais de petits mots, poésies mièvres et stupides recopiées en hâte à l'école, cœurs de plâtre, colliers de nouilles et autres fanfreluches…  Au fond, tu me le pardonnais, sensible malgré tout à ces petites bêtises qui ne portaient pas trop à conséquences.
Depuis bientôt dix ans que tu t'es mise au régime pour de bon, que tu ne manges plus que des pissenlits, et encore, par les racines (mais avec excès, comme en tout…), je ne t'ai plus importunée. Tu as eu, toi, la gentillesse de bien vouloir m'en dispenser.
Alors je ne te dis pas « Bonne fête maman ! », ce serait inconvenant, à quelques pieds sous terre… Je te dis juste merci d'être encore là à ta façon, bien mieux qu'en souvenir, sans plus de concession que celle dont je m'acquitte désormais pour ton éternité.

mercredi 25 mai 2011

Buon compleanno !

 Dipladénias sur ma fenêtre.

Vous faîtes quoi, vous, le jour de votre anniversaire, enfermé seul chez vous, enchaîné par le travail une belle journée d'été ? D'abord vous dites « Merde ! ». Puis vous réfléchissez. C'est un jour comme un autre mais quand même. Ben oui quoi, quand même ! Alors vous vous offrez des fleurs.
Vous pensez à Silvana qui a bien arrangé la petite fenêtre de la rue Nationale. Elle va bientôt concurrencer, touristiquement parlant, le Jardin des Plantes voisin.
Puis reviennent les mots de votre chère et tendre, ces mots qui le matin vous ont fait danser le cœur. Car elle a l'art des mots la belle sirène : « Au creux du camaïeu irisé d'un coquillage aux couleurs infinies, de nouvelles fleurs vont germer, elles seront ton “jardin”, ton jardin intérieur et celui de ta petite fenêtre. »
Buon compleanno Philippe ! Merci ! Y a pas de quoi !

vendredi 20 mai 2011

Mon amie la rose

Mon amie la rose…

« …A l'aurore je suis née, 
baptisée de rosée. 
Je me suis épanouie, 
heureuse et amoureuse, 
aux rayons du soleil. 
Me suis fermée la nuit, 
me suis réveillée vieille

…
Pourtant j'étais très belle, 
oui j'étais la plus belle 
des fleurs de ton jardin. » 
Paroles : Cécile Caulier. Interprétation : Natasha Atlas.

 Ma rose, avant retouche… (pour public averti)

dimanche 15 mai 2011

En hommage à Josef Sudek


« D’autres lieux seraient encore possibles et dans des circonstances très diverses. Mais pour finir c’est toujours en nous-même que se produit la rencontre et rien ne sert de la préparer ou de l'attendre. »
Àlvaro Mutis, Les Éléments du désordre.

La cour du miracle

La piazza Truogoli di Santa Brigida de Gênes a soudainement retrouvé ses couleurs. On s'interroge encore sur les causes du miracle…

« Je ne chante pas ce monde ni les autres astres
Je chante toutes les possibilités de moi-même, hors de ce monde et
       des astres
Je chante la joie d'errer…»
Guillaume Apollinaire


 Photo : Alfred Noack, 1833.

samedi 7 mai 2011

Y avait une fleur dans mon jardin !

Parc de Bercy, Paris 12e.

Déjà, de la monnaie du pape à Paris ! Mais alors si pousse aussi à Bercy de ces petites fleurs de chair et de rosée ! Pourquoi chercher plus loin ? Il suffit d'arroser !


«Un beau matin,
y avait une fleur
dans mon jardin.
Moi, j’l’ai pas vue
j’ai marché dessus....
moi j’voudrais bien
dans mon jardin
moi j’lai pas vu
moi j’voudrais bien
dans mon jardin…»

Manu Chao, Sibérie m'était contée.

mardi 3 mai 2011

Le feu et les ténèbres

Cinque Terre, Ligurie, Italie.
Ô combien de pirates, combien de capitaines, ont admiré à la tombée du soir la magie des éclairs fabuleux et précieux dont se nourrissent ensemble le ciel et la mer de Ligurie ! Déroutantes et mouvantes, les lumières jouent à cache-cache, s'attrapent et se relâchent, elles mêlent intimement le feu et les ténèbres, la gloire et le déclin, dans l’incessant tourbillon des caprices du vent.

mercredi 27 avril 2011

L’Ascension d’Anouk

Anouk au jardin, Saint-Hilaire-Petitville, 25 avril 2011.
Anouk mène une drôle de vie, comme une double vie, mais c’est une vie heureuse. Surtout, elle sait faire des tas de choses, comme ce lundi de Pâques, dans le jardin, très peu de temps après le passage des cloches. Elle en avait assez de jouer à la marelle, de passer de la terre au ciel en sautillant sur des carreaux, comme le font bêtement toutes les petites filles de son âge. Il y avait plus simple et plus joyeux pour rejoindre le ciel, y compter les moutons et nous les dessiner. Alors sans prévenir, sans crier gare, Anouk s'est envolée. Elle nous a juré de redescendre, un jour… Il y a tant de choses à apprendre tout là-haut !
Con La Donna Cannone, l'ommagio d'Aurora a Anouk !

dimanche 24 avril 2011

La pateaugoire aux illusions

Mirco, La Défense, 17 avril 2011.
Il en est ainsi des vrais chasseurs d'images, ils semblent se dédoubler. L'un reste les pieds sur terre (pour l'appareil photo), l'autre prend les devants et frôle ses précipices imaginaires. Ils sont remplis d'incertitudes, calculent à petits pas, posés l'un après l'autre, très prudemment, presque courbés, sur les terres incertaines, mouvantes et glissantes de la pataugeoire aux illusions.

mardi 19 avril 2011

Le doute n'est plus permis !

Aesculus pavia atrosanguinea (Marronnier à fleurs roses).

Eppur, si muove ! « Et pourtant, elle tourne », avait risqué Galilée avant de rejoindre les enfers… Parfois, il vaut mieux se méfier, ne rien dire, se contenter d’observer. Sous ma fenêtre, par ce dimanche caniculaire (un printemps de réchauffement climatique), ce curieux adorateur des planètes a entamé sa mutation. Le marronnier à fleurs roses s’est pris pour la lune quand elle est pleine, d'ailleurs elle l'était. Il s’est mis à vriller tourbillonnant, de plus en plus vite. Puis il s’est lancé, s’est placé en orbite. J’ai commencé à douter, comme Galilée qui disait aussi : « Le doute est père de la création. » Avant de rejoindre les enfers… Alors je n'ai rien dit. J'ai attendu la lune !



samedi 16 avril 2011

On n'est jamais déçu…

Alors nous ne nous reverrons plus… J’avais oublié la secousse des grandes tristesses. A la fin d'un très beau film, lorsque le mot fine s’est écrit sur l’écran, quand on n’y peut plus rien, qu’on réalise que la bobine ne repartira pas dans l’autre sens, on reste un moment dans la salle, on se tait, on se protège dans le noir du silence. On sait que l’on ne retrouvera pas la vie d’avant. On sait qu’en ressortant, le monde aura encore perdu un peu de ses couleurs. Et il en est toujours ainsi. On n’est jamais déçu…

vendredi 8 avril 2011

Polpo d'amore o colpo d'amore ?

Vinicio Capossela chante l’un de ses derniers titres, Polpo d'amor, en attendant la sortie, le 26 avril, de son dernier album.

Avec quelques images nostalgiques de Gênes que j'aime. Voir aussi sur Youtube.

mardi 5 avril 2011

Les effacés

Place de la Bastille, samedi 2 janvier, journée nationale d'action «Notre santé en danger».

Vous n’avez pas vu ces visages à la télé, et vous ne les verrez sans doute jamais. Non qu’ils soient interdits d'antenne, ce serait trop simple. Ils n’existent pas, ils n’ont jamais existé. Ces femmes et ces hommes qui, par dizaines de milliers dans toute la France ont exprimé une colère sourde, celle du démantèlement méthodique d'un système de  soin qui a pourtant fait l’envie du monde entier, n’ont aucune réalité. Inutile de zapper, ils l’ont été pour vous. Effacés de nos mémoires avant de les avoir effleurées.
Sans commentaire, leur expression dit déjà tout… Ici sous le charme des mélodies d'Agnès venue pousser sa chansonnette et crier avec ses mots la permanence de ces combats.

dimanche 3 avril 2011

Électron libre

Vitrine, boulevard des Filles-du-Calvaire, Paris IIIe.

Électrique éclectique (mais ce n'était pas Noël), je me suis aperçu hier dans le reflet d'une boule pleine de promesses. Électron libre scintillant au bord de la fusion. En promenade, il ne faut jamais négliger la magie des vitrines. Ne jamais oublier que lorsque vous passez, toutes vous observent…

samedi 2 avril 2011

Mon premier cercle

Jean-Jacques, mon frère (1955-2006), Jacques, mon père (1899-1974), Madeleine, ma mère (1912-2002) et notre bienveillante Paula (1905-1977). Repas d'anniversaire pour les 75 ans de mon père, le 27 mars 1974.

Durant la nuit  du 27 mars de cette année, l’irruption brutale d’un songe annuel récurrent m'a rappelé à l’ordre du rituel installé, effaçant une nouvelle fois le blanc de l'oubli pour réveiller le souvenir. Je connais bien ce rendez-vous que mon père me fixe depuis 36 ans la nuit de son anniversaire. De pâles couleurs sont apparues, révélant avec le sien le visage de mes fantômes les plus intimes. Ceux de mon premier cercle. De mes chers si tôt disparus. Mais je ne pouvais que les deviner. J’ai dû frotter fort et longtemps pour effacer la croute que le temps avait déposé sur le souvenir. Mon père ne m’a laissé que des bonnes nouvelles. J’ai cru comprendre qu’ils commençaient à s'ennuyer de moi… Ok, j'ai fait du rab ! Mais promis, je ne tarderai pas.

Trop tôt, trop tard, trop jamais ?

« Quand on a laissé passer le bon moment, quand on a trop longtemps refusé quelque chose, ou que quelque chose vous a été trop longtemps refusé, cela vient trop tard, même lorsqu’on l’affronte avec force et qu’on le reçoit avec joie. »
Bernhard Schlink, The Reader.

mardi 29 mars 2011

Le cri

Camille, concert privé, 2009.
« Là où le gros de la foule résiste à un discours subtil, dont la notation intellectuelle lui échappe, elle ne résiste pas à des effets de surprise physique, au dynamisme de cris et de gestes violents, à des explosions visuelles, à tout un ensemble d’effets tétanisants venus à point nommé et utilisés pour agir de façon directe sur la sensibilité matérielle du spectateur.
Porté par le paroxysme d’une action matérielle violente et à laquelle nulle sensibilité ne résiste, le spectateur voit s’affiner son système nerveux général, il devient plus apte à recevoir les ondes des émotions plus rares, des idées sublimes des Grands Mythes qui par ce spectacle-là chercheront à l’atteindre par leur force physique de déflagration. »
Antonin Artaud

dimanche 27 mars 2011

Mon jardin parisien

Au pied de mon arbre du pied de chez moi.

Voila mon jardin parisien, mon petit jardin sauvage, au pied de mon arbre du pied de chez moi. Mon  jardin de rue, discrètement fleuri de jaunes et de mauves. Personne ne lui a rien demandé, il est venu tout seul. Né dans une cage, il s'en est échappé. Rien ne peut lui arriver jusqu'à la fin de l'été. Il n'exige de moi aucun entretien, c'est un jardin de rêve qui n'a besoin de rien. Sauf une chose, un chose vitale pour lui. Il veut que je le regarde, avec tendresse, il veut que le l'accompagne. Il veut me voir le voir grandir. Il veut être aimé comme il est, dans son insouciance et sa liberté retrouvée…

Ovunque proteggi…

vendredi 25 mars 2011

Alors j’ai commencé à la trahir…


À l’ombre de mon ombre, lac d’Annecy.
« Alors j’ai commencé à la trahir.
Non que j’aie ébruité des secrets. Je n’ai rien dit que j’aurais dû taire. Je ne me suis pas rangé de son côté. Je sais que ce genre de reniement est une variante discrète de la trahison. De l’extérieur, impossible de voir si c’est un reniement ou une preuve de discrétion, une forme d’égard, une manière d’éviter la gêne et les désagréments. Mais celui qui agit de la sorte le sait très bien. Et le reniement sape une relation tout autant que les variantes spectaculaires de la trahison. »
Bernhard Schlink, The Reader.

mardi 22 mars 2011

Haïku


Loup y es-tu ?
Le temps est un outrage vert
Bleue de nuit, la lune te protège.

lundi 21 mars 2011

L’effacé (avant qu’il ne soit trop tard !)

Elle n’a pas eu l'envie de m’effacer, ou le courage, ou la tendresse. Je me suis débrouillé seul, j’ai pris l’éponge, je l’ai passée sur ce self de vitrine, miroir incongru, trop beau pour être honnête, trop graphique pour être vrai. Il ne restait rien de moi. J’ai regardé les anges. Ils m’ont promis le paradis…

dimanche 20 mars 2011

Paris caresse

Le printemps de Paris, rue Nationale, 20 mars 2011.

Cette nuit à minuit nous serons le printemps et ce matin déjà, dans mes yeux dans les tiens, dans ma rue sur tes collines, il avait revêtu ses habits de velours, colorés, aériens, parfumés… Ses pétales déployés découvraient des boutons odorants, des miels onctueux. Le jour s’est fait désir, notre amour poésie. Nous étions absorbés l’un par l'autre de loin. Paris s’est fait caresse.

jeudi 17 mars 2011

Mazzini, visionnaire oublié

Tombeau de Mazzini, cimetière de Staglieno, Gênes.

En ce jour du 150e anniversaire de l’unité italienne, qu’il me soit permis, depuis sa belle tombe, de rendre un modeste hommage à un grand Gênois, démocrate, républicain, Guiseppe Mazzini, quelque peu oublié des festivités italiennes alors que persistent de fortes oppositions entre le nord et le sud de la péninsule. Avec Garibladi, dont il fut en quelque sorte le cerveau politique, auprès de Cavour et de Victor-Emmanuel II, le fondateur de la Giovine Italia a joué un rôle déterminant dans l’unification de son pays. Pourtant, il ne se reconnaîtra pas totalement dans cette sorte d’annexion du mezzogiorno par les puissants du nord, fût-elle plébiscitée. Et souvent imposée par la force dans de terribles combats. La vision de Mazzani, celle qu'il appelait l'Europe des peuples, portait beaucoup plus loin. Si loin que nous n’y sommes toujours pas parvenus.

mardi 15 mars 2011

Dans les songes ténébreux de l’insensé

Zoagli, Liguria, 5 Ottobre 2010.

N’éteins pas la lumière. Pas maintenant, pas déjà. Profitons encore un peu du jour, même à son crépuscule. Retiens la nuit, ne la laisse pas nous happer, nous envelopper, nous dévorer. Chante la nuit, charme-là, endors-là. Aime la nuit, elle nous sera plus indulgente. Elle nous protégera peut-être de la sombre tempête. De l’inévitable chagrin. Des pluies d’été de passage dans les grains du matin. Veille la nuit. Et veille sur moi qui me perds dans les songes ténébreux de l’insensé.

samedi 12 mars 2011

Ne jamais dire jamais

Atmosphère intérieure… Très intérieure. Il s'est en effet passé ceci lorsque je me suis tout récemment équipé d'un sèche-cheveux de marque Philips (Salon dry compact, deux vitesses réglables, touche air froid pour fixer la coiffure, modèle HP4961) que je recommande vivement: à peine la boîte ouverte que son image s'est réfugiée dans le miroir. Oui, vous avez bien lu, comme la lampe d'Aladin. Au début, et comme dans la réalité du conte, ce n'était qu'un nuage, une fumée d'image. Puis la forme a pris corps, s'est projetée dans le miroir, oui, vous avez bien lu, façon Alice au pays des merveilles. En bon chasseur de fantômes, j'ai vite fait la photo. Elle était là en vrai ! Ne jamais dire jamais.

vendredi 11 mars 2011

La guerre des ombres

Paris IVe, place Igor Stravinsky.

Parfois la vue se brouille et perd le sens de la lumière. Les ombres se répandent à l'infini pour mieux se déclarer la guerre, inutiles silhouettes, fantômes oubliés. Dans ces distorsions capricieuses du temps, heureusement fugitives, accidentelles, se reconstruit sans doute une autre vision du monde. Lentement, le plus lentement possible, car il faudra bientôt honorer les vainqueurs et enterrer les vaincus.

jeudi 10 mars 2011

Collier de baldaquin

Encore heureux, nous avions été prévenus. Jean-Michel Othoniel (qui expose à Beaubourg jusqu'au 23 mai) «explore la frontière entre le monde organique et le monde naturel et questionne les limites du genre. Puis, avec la découverte du verre, de sa couleur, de ses infinies possibilités plastiques mêlant force et vulnérabilité, son œuvre trouve une nouvelle monumentalité, se met en mouvement…»
Ben ça alors ! Non d'un chien ! Aussi sec on est rentré.
De là à tomber sur un baldaquin rose emperlé ! Totale simplicité, dans son élémentaire pureté. Oui vraiment « les limites du genre ! » Raluca qui fondait à vue d’œil a donc joué sa Betty Boop, ou sa Ralukini Kitsch, ce qui revient presque au même !
Pour la couleur, c'est ici !

mercredi 9 mars 2011

Rotative

Paris, Centre Georges Pompidou, 7 mars 2011.

Fashion week à Paris. La contagion des défilés fait partout défiler Raluca, ici comme en revue, dans le boyau connu de la galerie suspendue, inspirée aspirée entraînée, la tourbillonnante jeune fille marche à l'ombre des reflets en fleur.

dimanche 6 mars 2011

Ligne 14


Ligne 14, Paris.

Isolée dans la foule, emportée par le train, retranchée, protégée des regards, prenant cet air absent qu'ont toutes les têtes de ce que le métro compte de bétail parisien transporté, Raluca est rentrée dans sa coquille. Ne cherchez pas à savoir ce qui lui passe derrière les yeux, la chose est si lointaine qui se cache, elle aussi, comme la perle au creux d'un coquillage délaissé, solitaire, anonyme, balloté dans le chahut des ressacs urbains. Dans l'insoutenable silence des brouhahas métropolitains.

samedi 5 mars 2011

jeudi 24 février 2011

Un corps qui se délie

C'est un corps attaché qui s'apprête à renaître. Il repousse ses liens, s'en dégage lentement, il se détache de ses prisons terrestres, ces fils qui le relient à d'autres univers étranges. Étrangers à lui. C'est un corps qui s'apprête à couper ses cordons. Un corps qui se dénoue, qui va se déplier, s'étendre, s'attendrir, se détendre avant de se plier à d'autres exigences, celles de la volupté. C'est un corps qui se découvre, se décourbe et se donne. C'est un corps que j'attends, sans impatience, avec la certitude de sa générosité amoureuse.

mercredi 16 février 2011

Dans ma vie secrète


Dans ma vie secrète, le jour tombé, elle allume le feu à grandes eaux. La flamme couve sous une fontaine de désir. Dans ma vie secrète, sa chaleur est de glace et rapproche le bain du lit. Dans ma vie secrète, son sexe brûle et rafraîchit. Il vient jouir dans mon rêve et coule sans retenue dans le scintillement des voluptés étincelantes de l'amour.

lundi 14 février 2011

Sandrine des esprits…

MK2, Paris XIIIe.
Une petite image simple mais construite en reflets, en hommage à mon amie Sandrine… Juste parce que Sandrine n'aime pas les reflets. Elle les déteste. Son furieux coup d’œil sur tout ce qui l'entoure lui fait craindre le pire avec ces distorsions de la réalité. Sandrine a peur. On ne peut pas savoir ce que cache un miroir. Ce que deviennent nos images dans l'au-delà des reflets. Sandrine aime les visages en vrai, ceux qu'elle attrape mieux que des mouches, comme ces grains de beauté qui rendent la vie plus belle. Sandrine se méfie des esprits. Elle a raison. Il peut leur arriver de frapper un peu fort…

samedi 12 février 2011

Au 500e jour…


Le désert est un ventre emprunté au détour d'une rencontre. Nous l'avons pénétré ensemble par un soir de septembre, il y a 500 jours. Dans ce ventre lovés, retournés hors du monde, désertant nos repères, nous avons embrassé mille et un paysages. De découvertes en découvertes, nous avons fabriqué nos mythes, inventé nos histoires, combiné un destin. Une qazâl au loin nous ouvrait son chemin, élégante et rapide, un chemin de gazelle. 500 jours d'un incroyable amour. On ne se perd pas dans le désert, on s'y retrouve. Sur le fil d'une dune, continuité espérée.

jeudi 10 février 2011

Devinette

Dimanche 6 février 2011. Défilé du Nouvel an chinois,
avenue de Choisy, Paris.


Un regard vague ou neutre ou vide déclenche toutes sortes d'interrogations… Que pense-t-elle, qu'aimerait-elle lui dire, le lui dira-t-elle, comment se sent-elle dans le carcan de son dimanche, lui reste-t-il un travail à finir, un amour à conclure, un retour à prévoir, un parent à soigner, un coup de fil à passer ? Et son amie souriante, que va-t-elle en penser, va-t-elle seulement réagir, s'intéresser, faire semblant, la rembarrer ou, au contraire, la regarder, la croire, peut-être la soutenir ? La devinette prend alors tout son charme puisque personne ne saura jamais ce qui là, à cet instant, a fabriqué ces expressions fugaces. C'est une devinette sans solution, un jeu sans vainqueur, juste l'image d'une image pas si juste, incomplète et mensongère. Un coup d’œil sur un coup d’œil. Vite fait !

mardi 8 février 2011

Les messes trompeuses


Paris, défilé du nouvel an chinois, porte de Choisy, 6 février 2011.

On voit ici, me semble-t-il, un peu plus que les couleurs attendues, portées parfois sans conviction, parce que c'est le nouvel an et qu'il le faut bien, parce que c'est carnaval et qu'il le faut bien, parce que c'est dimanche et qu'il le faut bien, parce que la joie peut être simulée par les tissages des rites collectifs obligés. A-t-on seulement le droit à la peine, à l'ennui, à l'incertitude ? Drôle de question… Notre monde sera joyeux ou ne sera pas. Et plus gagne l'ennui, plus lourdes sont les croix, plus astreignantes les traditions, le consensus, les faux-semblants, plus bariolées sont aussi ces fêtes cathartiques, plus bruyantes seront les manifestations expiatoires de nos sourires exténués, plus incertains les chemins que nous pourrions défricher seuls ou à quelques-uns, à nos propres rythmes, sans les emphases du quotidien et sans les messes trompeuses.

lundi 7 février 2011

Valser per un amore…



Paroles et musique : Fabrizio de André.

Valzer per un amore

Quando carica d'anni e di castità
tra i ricordi e le illusioni
del bel tempo che non ritornerà,
troverai le mie canzoni,
nel sentirle ti meraviglierai
che qualcuno abbia lodato
le bellezze che allor più non avrai
e che avesti nel tempo passato

ma non ti servirà il ricordo,
non ti servirà
che per piangere il tuo rifiuto
del mio amore che non tornerà.

Ma non ti servirà più a niente,
non ti servirà
che per piangere sui tuoi occhi
che nessuno più canterà.

Ma non ti servirà più a niente,
non ti servirà
che per piangere sui tuoi occhi
che nessuno più canterà.

Vola il tempo lo sai che vola e va,
forse non ce ne accorgiamo
ma più ancora del tempo che non ha età,
siamo noi che ce ne andiamo
e per questo ti dico amore, amor
io t'attenderò ogni sera,
ma tu vieni non aspettare ancor,
vieni adesso finché è primavera.

Valse pour un amour perdu
Un jour que tu te sentiras bien lasse, 
seule avec tes illusions 
des beaux jours partis sans laisser de traces, 
mes chansons, comme une vision, 
te ramèneront, douces et cruelles, 
au temps où tu étais belle : 
célébrée alors, tu ne le seras plus, 
et ce temps sera bien révolu. 

Mais à quoi bon te rappeler, 
si ce n’est pour pleurer, 
oui, pour pleurer sur ton refus 
de mon amour qui ne reviendra plus. 

Mais il sera alors trop vieux 
ce souvenir de toi, 
ce souvenir de tes beaux yeux 
que jamais plus l’on ne chantera. 
Le temps passe et s’envole, toujours volage, 
qui sait si nous comprendrons : 
pour sa part, le temps, n’a jamais d’âge 
et c’est bien nous qui mourrons. 
Alors moi je te dis, ô mon amour, 
que je t’attendrai chaque jour, 
mais toi, viens, allez, n’attends pas encore, 
viens tant que le printemps n’est pas mort.

dimanche 6 février 2011

Dragon volant

Paris, Porte de Choisy, 6 février 2011. En bas de chez moi, le traditionnel défilé du nouvel an chinois manquait un peu de soleil… et de joie… Mais ça pétarada tard dans les odeurs d'encens. Les petits lapins de l'année ont défilé très gentiment… Jusqu'à ce que ce dragon volant m'approche pour m'emporter bien loin dans son tourbillon bruyant.

Avec toi, j'ai marché de coté sur les eaux…

Que suis-je donc allé faire cet après-midi à Portofino, arpentant les allées du promontoire, tout près de la chiesa di San Gorgio qui surmonte la petite péninsule et garde l'entrée de ses promenades dominicales, surplombant fièrement les deux rivages de la ville estivale ? J'étais sensé être à Paris, au défilé du nouvel an chinois. J'avais bien commencé là. Lorsqu'un dragon jaune et rouge de papier mais rempli de pétards s'est approché de moi et m'a porté jusque-ici. Bien sûr, j'y ai croisé Elvira, ma divine créature de l'ombre. Elle marchait de côté, ne me regardait pas… « Inutile, me dit-elle, tu marches avec moi à la surface des eaux. » J'ai marché !

dimanche 30 janvier 2011

Tombé de l’arbre


Je suis tombé de l’arbre un peu trop mûr et tu m’as recueilli (comme tu as de grandes mains !). Tu m’as caressé par les cheveux, en bleu comme une orange mais sans me presser, dans les frimas de la saison morte. Je me suis réveillé. Nous préparions ensemble avec nos fruits les boissons délicates des printemps à venir.

mercredi 26 janvier 2011

Mon bateau ivre


« …Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer ! »
Arthur Rimbaud. Extrait du Bateau ivre.

Mais, vrai, j'ai trop pleuré…

mardi 25 janvier 2011

Les fantômes du lac d'Annecy




Regardez bien ! Elivira est assise sur le banc de gauche. Moi sur celui de droite. Bizarrement, nous sommes légèrement éloignés. Nous contemplons le lac qui baigne Annecy au couchant rose, calme, paisible, serein. Ensemble, si proches, nous pouvons nous autoriser le silence. Le temps s'écoule lentement, goutte après goutte, il étire les secondes, dilue les minutes, efface les heures.
C'est le froid qui soudain nous réveille, il faut rentrer, nous abriter. Elvira tourne doucement la tête vers la droite, mais le banc est vide ! A mon tour, je regarde vers la gauche, mais elle a disparu. Seuls restent présents bien en chair nos rêves et nos fantômes amusés. La place est haunted, enchantée !
J'ai compris que je ne pourrai jamais transformer Elvira en souvenir. Présence absente, absence palpable, en moi et au-dehors, lointaine et proche, elle est mon fil. Je suis le sien. Nous les déroulons à l'infini…
Regardez bien ! Tous ces fils…