mercredi 17 décembre 2008

Willy dans ses nues


16 décembre 2008 au soir, galerie Guigon, dans le 12e, à Paris. Willy Ronis, le maître incontesté de la photographie française du XXe siècle, est venu avec sa traditionnelle gentillesse accompagner cette petite expo de trois jours, une histoire de copains, qui présentait quelques images de son dernier ouvrage titré "Nues", paru aux éditions Terre bleue. Il apparut alors nettement, ce que l'on ne savait qu'au hasard de ses nombreuses publications, que Willy avait photographié quantité de femmes à poil tout au long de sa carrière, avec une pudeur, un respect, un amour de la forme et du fond que peu de photographes ont su rendre de manière aussi simple et essentielle. Mariant extrême rigueur et tendresse profonde, dans un académisme indépassable. J'aime Willy depuis toujours, depuis mes premières armes argentiques, et je suis très heureux de lui offrir (et de m'offrir) ce très modeste hommage. Pour ceux qui l'ignoreraient, ce grand petit bonhomme de la photo a 98 ans. Chapeau ! Comme je lui rappelait un dîner que j'avais organisé chez moi, pour lui, il y a bien une quinzaine d'années, le gaillard me répondit tout simplement : "Alors, à dans 15 ans ! " J'y serai Willy, et je compte sur toi.

lundi 8 décembre 2008

Regrets éternels


Son rouge n'est plus très rouge, son vert plus très vert, la tulipe échappée de son bouquet s'est échouée sur la pierre noire du voisin de cimetière, le 6 décembre, au Père-Lachaise, sous quelques quolibets indifférents…

vendredi 28 novembre 2008

Wax dream


Etats-Unis, août 2008. Quelque part dans un bar baraque à souvenir, petit musée flottant sur la Route 66, peu après Williams (Arizona), lorsque l'asphalte vise Las Vegas. Le juke box détrône à l'aise le baiser de cire que Lucas roule à sa poulette. Il se prend à rêver que la vie rêvée n'est peut-être plus seulement un rêve. En tout cas, c'est sans doute aussi mon délire qui claque à cet instant…

dimanche 16 novembre 2008

Marine d'eau douce

Les chutes du Niagara, un soir d'août 2008. La ville, le mur, la chute. Un immense brumisateur douche la frêle embarcation où se serrent en panique une bonne paire de centaines d'hommes et de femmes en bleu. Je ne sais ni quel rivage ils fuient ni quel désordre ils guettent.

Qu'elle était morte ma vallée !

Ok, j'ai saturé un peu la photo qui, du coup, n'est plus vraiment un point de vue, ni seulement une errance dans la fournaise de la vallée de la mort en Californie. Bien sûr, Wenders et son Paris Texas sont venus perturber légèrement ma première vision de ce qui n'est autre que l'antre lourde d'un enfer désert. Et alors ? Je m'en excuse. Mais j'aime assez les lignes de cette photo qui se perdent dans le mirage d'un vieux sel évaporé…

samedi 15 novembre 2008

Peut-on rire de tout ?

Cette image n'a aucune valeur, ni intrinsèque ni extrinsèque. Au contraire, par ce qu'elle évoque, elle est abjecte. C'est le dernier jouet à la mode en Amérique du Nord, dans tous les entertainment parks familiaux. Ici, dans la ville en plastique de Niagara Falls, côté Canada, moyennant deux petits dols dans la fente, vous verrez ce mannequin réaliste trembler de mort et fumer ses derniers watts. Peut-on rire de tout ? Résolument non.

mardi 11 novembre 2008

Derrière la vitre

Cambodge, février 2008. Des crânes. Quelques dizaines de milliers de Cambodgiens ont été ici exterminés, à Choeung Ek, après des mois d'infâme torture, sous Pol Pot, entre 1976 et 1979. L'idée que nous nous faisons de la mémoire du génocide semble imposer que quelques crânes de victimes soient ici conservés, placés sous cloche, livrés au regard aseptisé de touristes en goguette. Dans un jeu de vitres quelque peu morbide, on accède peut-être ainsi au sanctuaire du souvenir, à la vision directe d'ossements sans mémoire, tragique théâtre d'ombres d'un musée de l'homme improvisé. Balade en paléontologie. Les fantômes du lieu n'ont pourtant pas élu domicile ici, où s'honore, ou se déshonore, l'esprit de milliers de victimes… Ils sont restés et resterons en nous.

mardi 4 novembre 2008

Deux garçons dans la ville

San Francisco, août 2008. Ferdinand et Lucas, deux redoutables cousins, sont descendus faire les bars de Mission. Ils sont armés d'un portable, potentiellement dangereux, prêts à décrocher si qui que ce soit vient les sonner. Ce jour-là, ça n'arrivera pas. Tout en restant méfiants, il ne descendront que leur Special Label Beer Buckhorn.

lundi 3 novembre 2008

…de nos rétines éteintes

Great Sand Dunes, Etats-Unis 2008. Il n'y a dans cette image aucune poésie, aucun regret, aucune contemplation. C'est une photo sans complaisance qui porte avec une force discrète le poids des années de la terre. L'impermanence de nos racines. Juste une matière, des matières à mâcher patiemment, un mastiquage durable propre à guérir la douleur sourde de nos rétines éteintes.

dimanche 2 novembre 2008

La marmite marrakchi

Sur la place Jemaâ el Fna, février 2008. La nuit tombée, une immense marmite humaine bouillonne dans un charivari de chaudrons et de cris, un tourbillon de poussières et de lumières, de fumées et de méchouis. Têtes et tripes d'agneau, hariras et chorbas, poissons grillés, tajines, merguez, d'épais fumets s'échappent de cette galerie des sens et des couleurs. A s'y fondre la gueule.

jeudi 23 octobre 2008

Que la lumière paresse !

Marrakech, février 2008. Dans la pénombre du souk des tanneurs, fiévreuse curiosité de la Medina. "Ce lieu comme un oubli / Supporte le tourment / Des hommes misérables / Aux regards engourdis / Où dort une lumière... ", poétisa joliment Naji Okba à son endroit. Mais que reste-t-il à faire quand dort une lumière ? La réveiller tout simplement, tout doucement.

mercredi 15 octobre 2008

Persistance de la tristesse d'un monde ancien

J'aime les arts chinois, tous les arts chinois, des paysages sur rouleaux anciens aux subtilités érotiques de l'estampe, de la dynsastie Zhou à la propagande des années Mao. Ils nous conduisent toujours à l'esprit de la lettre avec ces personnages qui dévoilent les clés graphiques des œuvres. Comme ici, au Sfoma de San Francisco, une introduction de Li Songsong pour la fantastique présentation de la collection Logan d'art contemporain chinois. Moi, sur les sept personnages très réalistes, je n'ai identifié qu'une erreur, une seule statue capable de dire à elle seule toute la tristesse immobile d'un monde ancien…

mercredi 8 octobre 2008

«De la joie d'être grand-père» ou «La Mouche»

Voici Maël, mon petit-fils aîné, quand il prend le temps de suspendre son vol. Gueule d'ange. J'adore cette image, l'icône d'un mécréant. J'aime le petit visage surpris de Maël, collé-plaqué sur la vitre-plafond à bulles de ma pièce du dessous. Gueule d'ange auréolée dans la clarté d'un Vélux restauré. Elle n'a pas forcément plu cette petite photo de famille assez peu conventionnelle. Mais moi je l'aime. Je l'avais d'abord appelée «La Mouche». Métamorphose…

jeudi 2 octobre 2008

224 morts de foi, trois fois rien

Depuis le fort de Mehrangarh se découvre Jodhpur, la ville bleue du Rajasthan qui fait commerce de soie, de santal et d'opium. Le ciel s'est abattu avant-hier sur ces maisons bleues qui porteront aussi désormais le blanc du deuil indien. 224 pélerins sont morts piétinés dans la bousculade qui a suivi l'effondrement d'un mur au temple de Chamunda, dans la forteresse. Chamunda, la Grande déesse dont le culte sectaire s'adonnait autrefois au sacrifice humain. 224 hindouistes morts d'un coup cette fois. Morts de foi. Autant dire trois fois rien : un quart de brève dans les journaux du soir pour dire qu'un record avait été battu…

mardi 30 septembre 2008

Gironde la placide

Un matin d'octobre à Pauillac, sur la rive de l'estuaire dit le plus grand d'Europe et d'où s'échappent à flots comptés les eaux saumâtres de Gironde la placide. Un épais brouillard baigne au loin le carrelet de la berge, protégeant pour un temps le mule, l'anguille et la crevette.

vendredi 26 septembre 2008

Points de suspension…


San Francisco, 25 août 2008. Le Pier 23, un bar bleu et paratropical, inattendu sur The Embarcadero, bouche un trou de paysage le long du quai du port. Il est désert. Personne ne profite là des embruns et couleurs de la baie. Tout le spectacle est pour les tabourets, comme trois points de suspension…

mardi 23 septembre 2008

Sacrés joyeux petits pêcheurs

Juillet 2007, à Varanasi (Benares), sur la rive du Gange. Le spectacle de la vie religieuse qui s'organise autour du fleuve sacré s'expose et défile sous les regards indiscrets des touristes embarqués. On peut ici shooter la mort dans l'attente d'en placarder les rituels sur les murs de nos toilettes impies. Mieux à voir, ces deux sacrés joyeux petits pêcheurs empruntent au fleuve, au bout de leur fil, les moyens immédiats de leur subsistance.

dimanche 21 septembre 2008

Reflets dans un lac d'or

C'était une chance calculée, la chambre d'hôtel d'Udaipur «donnait» sur le lac. Celui-ci lui rendait bien cette faveur. Vie lacustre, jeux de lumière, palace et dépendances, le spectacle défilait sans fin derrière les vitres colorées de la petite loggia. Dans cette succession de reflets, il suffisait de choisir le bon.

jeudi 18 septembre 2008

Farniente


Début décembre 2006, l'hiver équatorial humide approche à Cayenne. Un cagnard de feu plombe encore tout désir d'initiative. Attendre le soir. Quoi de mieux à faire alors que de s'assoir à la table d'un petit resto local désert pour y déguster un ragoût de biche mazama bien relevé tout en regardant le patron, son mur et son reflet ?

Paradis posthume

Lendemain d'un jour de temps pourri à Cayenne, où j'étais là, même un peu tard pour lui, enfin pour ses cendres que je devais disperser avec Amandine au large de la place des Amandiers, où il vécut heureux. Que s'était-il passé entre l'hier et l'aujourd'hui de cette image du souvenir? Et qu'ont pu provoquer de si miraculeux les cendres de mon frère pour enchanter ainsi la mer en quelques heures ? Je ne le saurai jamais mais j'en ai profité.

vendredi 12 septembre 2008

Larmes de sable


Great Sand Dunes (Colorado), en août 2008. L'endroit est surprenant avec ses immenses dunes de désert adossées à des montagnes alpines dont les frais sommets culminent à plus de 5 000 mètres. Le long de la petite rivière asséchée qui borde la dune, le sable travaille, creuse, chute, s'agite, dégouline, consolide, étend et construit patiemment sa dune avec l'aide et l'équilibre subtil des vents et des eaux. Parfois, le sable se fatigue et désespère. Il est en larmes…

jeudi 11 septembre 2008

Plafonnier


Août 2008, à Williams (Arizona), ville-étape sur la Route 66, ville musée kitch à gogo very fifties. Nous sommes au très métallique "Route 66 Cruiser café" pour nous empiffrer de chutes de BBQ plutôt réussies. La musique est bonne comme l'est aussi sans doute la fameuse blonde platine du bar chromé. Au plafond, le ventilo d'un autre âge fonctionne et distribue sans préférence les odeurs lourdes de la barbaque et de la bière. Il tourne vite. J'arrête son temps.

mercredi 10 septembre 2008

Ostréiculture

L'hiver était précoce en ce 22 décembre 2007 et je n'avais toujours pas eu le courage de rentrer ce putain de barbecue. Il avait pris l'eau, fallait le vider, le nettoyer, le protéger. Mais il faisait trop froid. L'hiver me congelait. On est toujours mieux chez soi par ces temps-là. Le BBQ en a profité pour se venger. Il a piégé quelques feuilles d'automne envolées du laurier. Et les a revêtues de son manteau de glace. Il a fini de les griller en somme et leur a redonné tout l'or de leur trépas. Il les a comme momifiées. J'ai quand même trouvé le courage de déclencher.

Karcher


Début 2008, quartier sud de L'Île-Saint-Denis. La drôle de campagne électorale de la présidentielle est un peu oubliée. Il en est pourtant resté quelques traces assez glauques, dans le vocabulaire notamment. En changeant de sens, certains mots sont devenus lourd. Menaçants même. L'enfant des cités ne me contredira pas.

mardi 9 septembre 2008

Au musée


Le Sfoma est, pour les non-initiés, le Musée d'Art Moderne de San Francisco. Très belle architecture, à l'intérieur comme à l'extérieur. Cet été 2008, la foule s'est déplacée en nombre pour découvrir l'expo Frida Kahlo. Un visiteur excédé, casque multi-langue en mains, semble vouloir s'en échapper. Serrant des boules symboliques, il regarde au dehors et devient malgré lui la pièce majeure d'une performance improvisée.

Petit tsunami


Il est le 3 août 2008 à Chicago. La chaleur estivale est écrasante et le Millennium Park offre avec ses fontaines un peu de fraicheur. Les enfants pataugent, courent dans les flaques, se rattrapent parfois et se douchent bravement sous la cascade d'eau. Mais pourquoi celui-ci ne veut-il rien entendre ?

Sans-papiers


Photo prise à L'Île-Saint-Denis (93) en mai 2008, ville-étape de la marche des sans-papiers qui arrivait de Lille. Tout est dit dans le regard de cette femme thaïlandaise, la fatigue, la colère, le défi, la méfiance.